La Convention d’armistice entre le Liban et Israël (23 mars 1949)

Armée Israélienne (Tsahal), Armée Libanaise

Les opérations militaires arabo-israéliennes, déclenchées le 15 mai 1948, le lendemain de la proclamation de l’Etat d’Israël, aboutissent, en ce qui concerne le Liban, à la Convention d’armistice signée à Ras el-Nakoura, le 23 mars 1949. Cette convention ne se contente pas d’officialiser, de part et d’autre, la cessation des hostilités puisque le Liban et Israël s’engagent, en outre, à ne plus entreprendre, ni projeter, des actes de guerre l’un contre l’autre. Les deux pays s’engagent également à ne pas « traverser, ou franchir, dans quelque but que ce soit, la ligne d’armistice ». Il s’agit donc plutôt d’une convention marquant une cessation définitive des hostilités.

Les innombrables opérations militaires israéliennes en territoire libanais et, finalement, l’occupation par Israël d’une « zone de sécurité » à l’intérieur du territoire libanais, sont des violations israéliennes répétées de la Convention d’armistice, les forces armées régulières libanaises n’ayant jamais, pour leur part, franchi la ligne d’armistice. Pour justifier ces opérations, Israël fait valoir qu’elles résultent du non-respect de la convention par le Liban puisque des groupes armés, installés ou en provenance du territoire libanais, bombardent les localités israéliennes ou franchissent la ligne d’armistice.

Israël a également estimé que l’accord libano-palestinien du Caire de novembre 1969, et son protocole annexe de Melkart de mai 1973, ont rendu caduque la convention de 1949 puisque, par ces accords, l’Etat libanais a autorisé la résistance palestinienne à utiliser son territoire pour lancer des opérations de commandos en territoire israélien.

Le Liban a précisé que la convention de 1949 n’est pas violée par ces deux accords, le premier soulignant que les fedayin doivent agir « dans le respect de la souveraineté et de la sécurité du Liban », le second interdisant explicitement aux commandos de lancer leurs opérations à partir du territoire libanais.

A cet égard, le Conseil de Sécurité a réaffirmé, notamment, dans sa résolution 450 du 14 juin 1979, la validité de la convention de 1949.

Les dispositions de l’article 5 de cette convention expliquent que les troupes syriennes présentes au Liban aient toujours tenu à ne pas s’approcher de la zone frontalière libano-israélienne.

L’accord de Taëf d’octobre 1989 a réaffirmé la validité de la Convention d’armistice. Il s’agissait alors d’effacer toute trace de l’accord libano-israélien de mai 1983 qui n’a jamais été ratifié en raison de l’opposition totale de la Syrie à tout accord séparé libano-israélien. Beyrouth a ainsi voulu marquer en 1989 que, de son point de vue, le statu quo qui prévalait avant 1983 a bien été rétabli.

La résolution 62 du Conseil de Sécurité du 16 novembre 1948 à laquelle il est fait référence à plusieurs reprises a décidé la conclusion d’un armistice dans tous les secteurs de la Palestine et invité les belligérants à rechercher immédiatement un accord négocié.

 

Ras el-Nakoura, 23 mars 1949

 

Préambule

 

Les parties à la présente Convention,

Répondant à la résolution du Conseil de Sécurité en date du 16 novembre 1948, qui les invite à négocier un armistice, à titre de mesure provisoire additionnelle selon l’article 40 de la Charte des Nations Unies, et en vue de faciliter la transition de l’état de trêve à celui d’une paix définitive en Palestine;

Ayant décidé d’entreprendre, sous la présidence des Nations Unies, des négociations relatives à l’exécution de la résolution du Conseil de Sécurité en date du 16 novembre 1948;

Et ayant nommé des représentants habilités à négocier et à conclure une Convention d’armistice;

Lesquels représentants soussignés, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, sont convenus des dispositions suivantes:

 

ARTICLE 1.

 

En vue de favoriser le retour à une paix définitive en Palestine, et en raison de l’importance, à cet égard, d’assurances mutuelles concernant les opérations militaires futures des Parties, les principes suivants, qui seront pleinement observés par les deux Parties durant l’armistice, sont affirmés ci-après:

 

1 – L’injonction faite par le Conseil de Sécurité de ne pas recourir à la force militaire dans le règlement de la question palestinienne sera dorénavant scrupuleusement respectée par les deux Parties.

 

2 – Les forces armées de terre, de mer ou de l’air de l’une quelconque des Parties n’entreprendront ni ne projetteront aucune action agressive contre la population ou les forces armées de l’autre Partie, ni ne les menaceront d’une telle action; étant entendu que le mot « projetteront » ne s’applique pas dans ce contexte aux plans qui d’une manière générale sont normalement élaborées par les Etats-Majors dans les organisations militaires.

 

3 – Le droit de chaque Partie d’être en sécurité et d’être libérée de la crainte d’une attaque des forces armées de l’autre Partie devra être pleinement respecté.

 

4 – L’établissement d’un armistice entre les forces armées des deux Parties est accepté comme une étape indispensable vers la liquidation du conflit armé et la restauration de la paix en Palestine.

 

ARTICLE 2.

 

En ce qui concerne particulièrement l’exécution de la résolution du Conseil de Sécurité en date du 16 novembre 1948, les buts et principes suivants sont affirmés:

 

1 – Le principe qu’aucun avantage militaire ou politique ne devrait être acquis durant la trêve ordonnée par le Conseil de Sécurité est reconnu.

 

2 – Il est, d’autre part, reconnu qu’aucune disposition de la présente Convention ne devra, en aucun cas, porter préjudice aux droits, revendications et positions de l’une ou l’autre Partie dans le règlement pacifique et final de la question palestinienne, les dispositions de la présente Convention étant dictées exclusivement par des considérations d’ordre militaire.

 

ARTICLE 3.

 

1 – Conformément aux principes énoncés ci-dessus et à la résolution du Conseil de Sécurité en date du 16 novembre 1948, un armistice général entre les forces armées de terre, de mer et de l’air des deux Parties est établi par la présente Convention.

 

2 – Aucun élément des forces terrestres, navales ou aériennes, militaires ou paramilitaires, de l’une quelconque des Parties, y compris les forces irrégulières, ne devra commettre un acte de guerre ou d’hostilité quelconque contre les forces militaires ou paramilitaires de l’autre Partie, ou contre des civils dans le territoire contrôlé par celle-ci; traverser, ou franchir, dans quelque but que ce soit, la ligne de démarcation d’armistice définie à l’article 5 de la présente Convention; pénétrer ou traverser l’espace aérien de l’autre Partie, ou les eaux territoriales de celle-ci, à moins de trois milles de la ligne côtière.

 

3 – Aucun acte de guerre ou d’hostilité ne sera dirigé du territoire contrôlé par l’une des deux Parties contre l’autre Partie.

 

ARTICLE 4.

 

1 – La ligne définie à l’article 5 de la présente Convention sera la ligne de démarcation d’armistice. Elle est tracée en application des buts et desseins de la résolution du Conseil de Sécurité en date du 16 novembre 1948.

 

2 – Le but fondamental de la ligne de démarcation d’armistice est de tracer la ligne au-delà de laquelle les forces armées des Parties respectives ne devront pas se déplacer.

 

3 – Les prescriptions et règlements des forces armées des Parties, qui interdisent aux civils le franchissement des lignes de combat, ou l’entrée de la zone comprise entre les lignes, resteront en vigueur après la signature de la présente Convention, en ce qui concerne la ligne de démarcation d’armistice définie à l’article 5.

 

ARTICLE 5.

 

1 – La ligne de démarcation d’armistice suivra la frontière internationale entre le Liban et la Palestine.

 

2 – Dans la zone de la ligne de démarcation d’armistice, les effectifs militaires des Parties ne comprendront que des éléments défensifs, ainsi qu’il est prévu à l’Annexe à la présente Convention.

 

3 – Le retrait des forces sur la ligne de démarcation d’armistice et leur réduction à des éléments défensifs en conformité du paragraphe précédent, seront effectués dans les dix jours à partir de la signature de la présente Convention. Le déminage des routes et des zones minées évacuées par chaque Partie et la remise à l’autre Partie des plans des champs de mines seront effectués dans le même délai.

 

ARTICLE 6.

 

Tous les prisonniers de guerre détenus par l’une ou l’autre des Parties à la présente Convention et appartenant aux forces armées régulières ou irrégulières de l’autre Partie seront échangés comme suit:

 

1 – L’échange des prisonniers de guerre sera entièrement effectué sous le contrôle et la surveillance des Nations Unies. Cet échange aura lieu à Ras el-Nakoura dans les vingt-quatre heures qui suivront la signature de la présente Convention.

 

2 – Les prisonniers de guerre contre lesquels une action judiciaire serait en cours, de même que ceux condamnés pour crime ou délit, seront inclus dans cet échange.

 

3 – Tous les objets d’usage personnel, valeurs, lettres, documents, pièces d’identité et autres effets personnels, de quelque nature que ce soit, appartenant aux prisonniers de guerre échangés, leur seront rendus, ou, en cas de décès ou d’évasion, seront rendus à la Partie aux forces armées de laquelle les prisonniers appartenaient.

 

4 – Toutes les questions qui ne sont pas spécifiquement réglées par la présente Convention seront résolues conformément aux principes de la Convention internationale relative au traitement des prisonniers de guerre, signée à Genève le 27 juillet 1929.

 

5 – La Commission mixte d’Armistice instituée à l’article 7 de la présente Convention assumera les responsabilités de retrouver les personnes disparues, militaires ou civiles, dans les régions contrôlées par chaque Partie, afin de faciliter leur rapide échange. Chaque Partie s’engage à apporter à la Commission une collaboration pleine et entière dans l’accomplissement de cette mission.

 

ARTICLE 7.

 

1 – L’exécution des dispositions de la présente Convention sera contrôlée par une Commission mixte d’Armistice, composée de cinq membres, chaque partie à la présente Convention désignant deux représentants et la présidence étant assurée par le chef d’Etat-Major de l’Organisation de Contrôle de la Trêve des Nations Unies ou par un officier supérieur qu’il désignera parmi les observateurs de cette Organisation, après consultation des deux Parties.

 

2 – La Commission mixte d’Armistice siégera au poste frontière libanais de Nakoura et au poste-frontière au nord de Métoulla. Elle se réunira aux lieux et dates qu’elle jugera nécessaires pour remplir sa mission.

 

3 – La Commission mixte d’Armistice tiendra sa première réunion sur convocation du chef d’Etat-Major de l’Organisation de Contrôle de la Trêve des Nations Unies, au plus tard une semaine après la signature de la présente Convention.

 

4 – Les décisions de la Commission mixte d’Armistice seront prises, dans la mesure du possible, sur la base du principe de l’unanimité. A défaut d’unanimité, elles seront prises à la majorité des voix des membres de la Commission présents et votants.

 

5 – La Commission mixte d’Armistice établira son règlement intérieur. Ses réunions n’auront lieu que sur notification dûment faite aux membres par le Président. Le quorum requis sera la majorité des membres.

 

6 – La Commission est habilitée à employer autant d’observateurs qu’il sera nécessaire pour remplir sa mission, ces observateurs pouvant appartenir soit aux organisations militaires des Parties, soit au personnel militaire de l’Organisation de Contrôle de la Trêve des Nations Unies, ou aux deux. Dans le cas où des observateurs des Nations Unies sont ainsi employés, ils demeurent sous le commandement du chef d’Etat-Major de la Trêve des Nations Unies. Les affectations d’ordre général ou particulier concernant les observateurs des Nations Unies attachés à la Commission mixte d’Armistice seront soumises à l’approbation du chef d’Etat-Major ou de son représentant à la Commission, si celui-ci la préside.

 

7 – Les réclamations ou les plaintes présentées par l’une ou l’autre Partie, relativement à l’application de la présente Convention, devront être soumises immédiatement à la Commission mixte d’Armistice par l’intermédiaire de son Président. La Commission prendra, au sujet de ces réclamations ou plaintes, toutes les mesures qu’elle jugera appropriées, en faisant usage de ses moyens d’observation et de contrôle, en vue d’un règlement équitable et satisfaisant pour les deux Parties.

 

8 – Lorsque le sens d’une disposition particulière de cette Convention, à l’ exception du Préambule et des articles 1 et 2, donne lieu à interprétation, l’interprétation de la Commission prévaut. Lorsqu’elle l’estime désirable et que le besoin s’en fait sentir, la Commission peut, de temps à autre, recommander aux Parties des modifications aux dispositions de la présente Convention.

 

9 – La Commission mixte d’Armistice soumettra aux deux Parties des rapports sur son activité, aussi fréquemment qu’elle le jugera nécessaire. Une copie de chacun de ces rapports sera présentée au secrétaire général des Nations Unies pour transmission à l’organe ou organisation approprié des Nations Unies.

 

10 – Les membres de la Commission et ses observateurs jouiront, dans la zone à laquelle s’applique cette Convention, de toute la liberté de mouvement et d’accès jugée nécessaire par la Commission, sous réserve que, lorsque de telles décisions de la Commission seront acquises à la majorité, seul sera autorisé l’emploi d’observateurs des Nations Unies.

 

11 – Les dépenses de la Commission, autres que celles des observateurs des Nations Unies, seront supportées à parts égales par les deux Parties signataires de la présente Convention.

 

ARTICLE 8.

 

1 – La présente Convention n’est pas sujette à ratification et entrera en vigueur à sa signature.

 

2 – Cette Convention, ayant été négociée et conclue conformément à la résolution du Conseil de Sécurité en date du 16 novembre 1948, invitant à l’établissement d’un armistice afin d’éliminer la menace pour la paix en Palestine et de faciliter la transition de l’état de trêve à celui d’une paix définitive en Palestine, restera en vigueur jusqu’à la réalisation d’un règlement pacifique entre les Parties, sous réserve des dispositions du paragraphe 3 du présent article.

 

3 – Les Parties à la présente Convention peuvent, par consentement mutuel, réviser cette Convention ou l’une quelconque de ses dispositions, ou en suspendre l’application à n’importe quel moment, sauf en ce qui concerne les articles 1 et 3. A défaut d’accord mutuel, et après une année d’application à dater de la signature, l’une ou l’autre des Parties peut inviter le secrétaire général des Nations Unies à convoquer une conférence de représentants des deux Parties pour revoir, réviser ou suspendre l’une quelconque des dispositions de la présente Convention autres que les articles 1 et 3. La participation à une telle conférence sera obligatoire pour les deux Parties.

 

4 – Si la conférence prévue au paragraphe 3 du présent article n’aboutit pas à un accord pour la solution d’un point en litige, l’une ou l’autre des Parties peut porter la question devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour être relevée de telle ou telle obligation, vu que la présente Convention a été conclue à la suite de l’intervention du Conseil de Sécurité visant à l’établissement de la paix en Palestine.

 

5 – Cette Convention est signée en cinq exemplaires. Chaque Partie conservera un exemplaire; deux exemplaires seront communiqués au secrétaire général des Nations Unies pour transmission au Conseil de Sécurité et à la Commission de conciliation pour la Palestine; un exemplaire sera remis au Médiateur par intérim pour la Palestine.

 

Fait à Ras el-Nakoura, le vingt-trois mars Mille neuf cent quarante-neuf, en présence du Délégué du Médiateur par intérim des Nations Unies pour la Palestine et du Chef d’Etat-Major de l’Organisation du Contrôle de la Trêve des Nations Unies.

 

Pour et au nom du Gouvernement du Liban

Lieutenant-Colonel Toufic Salem

Commandant Georges Harb

 

Pour et au nom du Gouvernement d’Israël

Lieutenant-Colonel Mordechaï Maklef

Yahashua Pellman

Shabtai Rosenne

 

                                                                                               ANNEXE

Définition des forces défensives

I – Les forces militaires défensives visées à l’article 5, paragraphe 2, ne dépasseront pas:

1 – Dans le cas du Liban:

(i) Deux bataillons et deux compagnies d’infanterie de l’Armée régulière libanaise, une batterie d’artillerie de campagne à 4 pièces et une compagnie de 12 automitrailleuses et six véhicules blindés légers avec canons légers (20 véhicules). Total: 1500 officiers et troupe.

(ii) Aucune force militaire autre que celles mentionnées au (i) ci-dessus ne pourra être utilisée au sud de la ligne générale el-Kasmiyé – Nabatiyé el-Tahta – Hasbayya.

2 – Dans le cas d’Israël:

(i) Un bataillon d’infanterie, une compagnie de renfort avec six mortiers et six mitrailleuses, une compagnie de reconnaissance avec six automitrailleuses et six jeeps armées, une batterie d’artillerie de campagne à 4 pièces, une section du Génie et des services, tels que intendance et service du matériel, le total ne devant pas dépasser 1500 officiers et troupe.

(ii) Aucune force militaire autre que celles mentionnées au (i) ci-dessus ne pourra être utilisée au nord de la ligne générale Nahariyya – Tarchiba – Jish – Marus.

II – Aucune restriction de mouvement ne sera imposée de l’un ou de l’autre côté en ce qui concerne le ravitaillement ou le mouvement de ces forces défensives en arrière de la ligne de démarcation.

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