Espionnage: Révélations du Haaretz sur l’attentat à l’origine de l’invasion du Liban en 1982 (L’Orient-Le Jour du jeudi 10 juin 1999)

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Les services de renseignements britanniques auraient ignoré des informations sur un projet d’attentat contre l’ambassadeur d’Israël à Londres en 1982 qui a servi de prétexte à l’invasion du Liban, a indiqué hier le quotidien israélien Haaretz, rapporte l’AFP dans une dépêche datée de Jérusalem. Le journal, qui a affirmé avoir mené une enquête de deux ans, cite deux des protagonistes dans l’attentat revendiqué par le groupe palestinien radical d’Abou Nidal contre l’ambassadeur Shlomo Argov, qui était resté paralysé.

 

Le Haaretz a précisé que Ronald Waldron, une taupe britannique infiltrée dans le groupe d’Abou Nidal, avait transmis des informations sur un projet d’assassinat de l’ambassadeur à ses employeurs. Le journal a interviewé M. Waldron dans la prison où il purge une peine pour avoir tué son neveu de 5 ans.

 

Le journal a également interrogé dans sa prison l’auteur de l’attentat, Hussein Saïd, originaire de Naplouse en Cisjordanie, capturé par un des gardes du corps de l’ambassadeur israélien. Selon M. Saïd, le MI-5 britannique disposait d’un informateur dans le groupe d’Abou Nidal, ce qui a permis la rapide arrestation de deux de ses complices.

 

Le Haaretz a également précisé que les responsables des services secrets israéliens n’avaient pas été autorisés à interroger les trois membres du commando responsable de l’attentat, ce qui a renforcé l’impression que leurs collègues britanniques souhaitaient apparemment dissimuler des faits embarrassants.

 

Le gouvernement israélien de Menahem Begin avait utilisé le prétexte de la tentative d’assassinat contre M. Argov pour envahir le Liban afin de détruire « les bases terroristes palestiniennes au Liban-Sud et assurer la sécurité en Galilée » dans le nord d’Israël, rappelle le journal.

 

L’armée israélienne, qui devait officiellement limiter son intervention à une zone de 40 km au nord de la frontière internationale, avait alors poursuivi son offensive jusqu’à Beyrouth.

Puissants, certes, mais différemment (par Scarlett Haddad) – Nouveau Magazine numéro 1330 du 29 janvier 1983

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Où en est la présence palestinienne au Liban, après la tornade israélienne ?

C’est une question à laquelle nous aimerions tous trouver une réponse, loin des haines ou des enthousiasmes délirants. Ce n’est pourtant guère facile, tant notre histoire des dernières années a été déterminée – douloureusement, est-il besoin de le préciser – par les fedayin de l’OLP qui se sont égarés (et plus) sur nos terres.

Cinq mois après l’évacuation des combattants (et de leurs armes lourdes) de Beyrouth, un bilan s’impose. Il est loin d’être rassurant.

 

Dans les milieux officiels, on affirme que seules les armes lourdes palestiniennes ont été saisies au cours des perquisitions effectuées par l’armée libanaise, et même par les israéliens lors de l’invasion de Beyrouth-Ouest. Les armes individuelles sont toujours entre les mains des palestiniens présents dans la capitale. Tous les dépôts et les caches secrètes existent encore, même dans les régions occupées par les israéliens et dans les camps de Beyrouth. Ni l’Etat ni Tsahal ne sont parvenus à les trouver. La présence palestinienne, dans toutes ses structures humaines et militaires, persiste partout au Liban, et la révolution palestinienne conserve jusqu’à ce jour toute son efficacité, ses cadres organisés, ses cellules et ses organisations.

L’invasion israélienne n’a permis que le retrait des armes lourdes généralement utilisées par les armées. L’infrastructure palestinienne, l’institut de recherches palestinien, le bureau officiel de l’OLP, la société Samed – qui opère sous une couverture humanitaire, s’occupant d’œuvres sociales, de productions artisanales et même industrielles, comprenant des cadres formés d’hommes et de femmes, aidée par des institutions étrangères en coordination avec la révolution palestinienne – poursuivent librement leur travail.

Au Sud, les israéliens eux-mêmes ont participé à l’installation des palestiniens en leur fournissant les moyens de reconstruire leur campement en dur. Actuellement, selon les statistiques de l’UNRWA, les réfugiés palestiniens détenteurs de cartes délivrées par cette institution depuis 1948 et leur donnant le droit à une aide matérielle, sont au nombre de 240000. Curieusement, aucun décès n’a été enregistré et systématiquement, des palestiniens non inscrits auprès de l’UNRWA remplacent ceux qui disparaissent. De plus, ce chiffre officiel compte un certain nombre de libanais qui, grâce à des appuis politiques solides, ont pu se faire inscrire en qualité de réfugiés palestiniens, pour obtenir une aide matérielle.

Les palestiniens détenteurs de cartes de réfugiés sont traités par l’Etat libanais au même titre que les libanais. Ils peuvent obtenir des passeports palestiniens. Ils sont soumis aux règles qui régissent le sort de tout étranger au Liban, concernant les visas d’entrée et de sortie. D’ailleurs, actuellement, même les diplomates doivent se soumettre aux nouveaux règlements établis pour l’entrée et la sortie du Liban.

Les israéliens auraient facilité le contact entre les palestiniens vivant au Liban et ceux vivant à l’intérieur des territoires occupés.

Seul le rôle de l’information palestinienne a disparu. Les responsables et les commandements des organisations ont quitté le Liban, mais ils préparent de nouveaux cadres et de nouveaux commandements qui poursuivent le travail clandestinement.

On peut aujourd’hui, sans risque de se tromper, affirmer que la situation des palestiniens au Liban est la même qu’en 1970, où ils avaient commencé à s’armer. Toute la campagne qui a été menée contre l’armée au moment où elle a effectué ses perquisitions, était orchestrée par les communistes surtout et par certains partis musulmans. De fait, l’armée a agi envers les palestiniens comme envers les libanais, ramassant les armes et arrêtant tous les repris de justice à quelque nationalité et à quelque communauté qu’ils appartiennent.

Dans la Békaa, un centre d’entraînement pour les palestiniens est installé au vu et au su de tous, et nul, en-dehors des cadres palestiniens, ne peut y avoir accès. C’est dire que loin d’être brisée par l’invasion israélienne, la machine palestinienne demeure, pesant à sa manière sur le cours des négociations israélo-libanaises. L’OLP est tout à fait consciente de la carte qu’elle détient et elle n’est pas près de la lâcher. Israël exige, comme première condition de son retrait, le départ du Liban de tous les combattants palestiniens. Le sachant, l’OLP ne s’y résoudra qu’en contrepartie de garanties pour le futur, concernant l’autonomie de la Cisjordanie ou une fédération jordano-palestinienne.

Mais qui peut, à l’heure actuelle, fournir des garanties aux palestiniens ? C’est pourquoi, sans vouloir jouer aux oiseaux de mauvais augure, on ne peut que douter du prochain retrait des combattants palestiniens du Liban. Celui-ci est plus que jamais lié au règlement global du problème de la région.

Par leur présence au Liban, les palestiniens sont donc une partie que l’on ne peut ignorer. Grâce à leur potentiel militaire au Nord et dans la Békaa, ils peuvent exercer des pressions sur l’Etat libanais et sur la Syrie.

Quant à leur action clandestine au Sud et en montagne, elle leur permet de menacer Israël et, par là-même, les Etats-Unis. En dépit donc des efforts libanais pour dissocier notre crise de celle du Moyen-Orient, toutes deux se trouvent plus imbriquées que jamais. La lenteur américaine, ainsi que celle des autorités libanaises, ont permis aux palestiniens de reprendre leur souffle et de consolider leur présence au Liban : ils ont eu le temps de perfectionner leur organisation, de bien cloisonner leurs diverses institutions, et ils ont toujours accès aux armes et aux explosifs, tandis que leurs services de renseignements sont toujours aussi actifs. De même, ils sont en contact avec toutes les organisations de gauche et d’extrême gauche.

Au Nord et dans la Békaa, ils comptent aujourd’hui 18000 combattants, dont 6000 sont revenus après s’être retirés de Beyrouth.

Au Sud, ils travaillent par petites cellules clandestines, dissimulés dans les champs. Par ailleurs, si, à Beyrouth, l’infrastructure militaire a été détruite, les palestiniens peuvent encore y mener une guerre de déstabilisation.

Puissants, les palestiniens le sont donc toujours au Liban. Mais de manière différente…